Décryptage — 29 août 2025
« Dircoms du CAC40 : plus proches que jamais des PDG et des comités exécutifs »
Longtemps cantonnés aux antichambres des comités exécutifs, les dircoms ont désormais table ouverte dans ces mêmes instances. OMS & Co, société de conseil en management et recrutement de dirigeants, a récemment brossé le profil de celles et ceux qui dirigent la communication des entreprises du CAC 40. Que peut-on retenir comme points saillants ? Quelle proximité hiérarchique avec le PDG leur est-elle vraiment accordée ? Petit tour d’horizon à date.
Côté portrait-robot du dircom estampillé CAC40, OMS & Co fournit d’utiles données dans sa récente étude. La moyenne d’âge se situe à 52 ans. Un critère somme toute logique pour ce poste très exposé et sensible qui exige une expérience robuste de la communication et des rouages de l’entreprise et de l’influence qu’on n’acquiert qu’à travers des pérégrinations professionnelles abouties. En ce qui concerne la formation, ce sont les cursus généralistes qui sont les plus fréquents avec 50% des titulaires passés par les bancs de l’université ou d’un institut d’études politiques, 30% par ceux d’une école de commerce et 20% par une filière communication où le Celsa prédomine (1).
Pour beaucoup d’entre eux, les parcours effectuent également des incursions dans des cabinets ministériels et/ou à l’international. Enfin, d’aucuns ajoutent la case agence pour étoffer leurs compétences. Mais la donnée qui frappe sans doute le plus, c’est la sur-représentativité féminine. Au sein du CAC40, on dénombre seulement 10 hommes en fonction. On peut probablement y voir un effet direct de la loi Rixain promulguée en décembre 2021 pour accélérer l’égalité économique et professionnelle et imposer des quotas dans les postes de direction des grandes entreprises à horizon 2030. A savoir, 40 % de femmes cadres dirigeantes sous peine de pénalités financières.
Un poste à la longévité … pas si longue !
Devenir dircom d’une société du CAC40 est-il gage d’un poste à la longévité nécessaire pour disposer de suffisamment de temps pour impulser, nourrir et ajuster une stratégie de communication qui généralement, ne produit ses premiers effets durables qu’après quelques années ? Si l’on observe les dates d’entrée dans le poste des 40 communicants actuels et qu’on fixe le jalon à 2020, on ne trouve que 11 profils encore en poste. Avec un record pour Florian Heupel d’Eurofins qui occupe son siège de 2002, suivi par Pierre Duprat de Vinci (2007), Delphine Camilleri de Legrand (2014) et le duo féminin composé de Charlotte David (Hermès) et Hélène Freyss (LVMH) toutes deux nommées en 2015.
Si l’on considère maintenant les affectations intervenues entre 2022 et 2025, on dénombre alors 31 mouvements (dont 6 pour chacune des années 2023 et 2025). Le poste de dircom serait-il donc doublé d’un siège éjectable assez sensible ? La relative brièveté des périodes laisse en tout cas supposer une fonction à durée de vie limitée. Les causes sont évidemment variées entre les successions naturelles à la suite d’un départ en retraite (c’est le cas de Bouygues où Maylis Carçabal déjà au sein du groupe chez TF1 a récemment succédé à une figure tutélaire de la com, Pierre Auberger) et les changements d’entreprise lorsqu’une belle opportunité se présente. Mais il existe quantité d’autres cas de figure, jamais expliqués comme tels publiquement, qui font qu’un dircom libère prestement sa place. Sans doute une idée de prochain billet de blog !
Enfin proches du cœur décisionnel et stratégique ?
En plus de cette très utile étude, j’ai voulu me pencher en complément sur d’autres aspects dont la question du dircom à la périphérie du comité exécutif et pas dedans. Ce qui peut sembler une incongruité tant la fonction nécessite absolument d’être en connexion directe avec la stratégie et les affaires de l’entreprise. Il n’en demeure pas moins que le profil a souvent dû ferrailler pour avoir le droit de s’asseoir aux côtés des indéboulonnables directeurs financiers, directeurs des ressources humaines et des directeurs d’entités business. Sur ce point, des progrès significatifs ont été accomplis. Actuellement, seuls 9 titulaires ne sont pas membres à part entière du comité exécutif de leur entreprise.
Parmi ces 9 cas, il faut cependant noter des approches spécifiques. Chez Legrand par exemple, la dircom Delphine Camilleri est hiérarchiquement rattachée au DRH mais dispose d’un lien fonctionnel avec le PDG. Chez Air Liquide, Domitille Fafin n’a pas son chevalet à la table du Comex mais en est l’invitée permanente. Canevas matriciel un peu similaire chez Accor où Charlotte Thouvard reporte au DG adjoint tout en ayant une relation fonctionnelle avec le PDG, Sébastien Bazin et une présence dans les comités exécutifs élargis des deux divisions. Chez Bureau Veritas, Anette Rey évolue aussi dans une configuration ressemblante avec une intégration dans le Comex élargi et un lien hiérarchique avec le PDG.
Enfin, trois autres profils sont sous la direction d’un Secrétaire général qui assiste le PDG sur nombre de dossiers dont celui de la communication. C’est le cas de Julie de la Palme (Crédit Agricole), François Banon (Danone) et Dominique Wood-Benneteau (Engie). Ce qui a le mérite de conférer une vraie proximité avec le centre de décision de l’entreprise. Une chose est en tout cas acquise : la communication n’est plus (au moins sur l’organigramme) cette fonction que se sont longtemps disputés tout ou partie les DRH et les directeurs marketing. Aujourd’hui, l’immense majorité des dircoms du CAC40 reporte au PDG.
Un périmètre d’intervention parfois plus large
Il est à remarquer que la fonction communication n’est parfois qu’un pan du portefeuille qui est confié à un dircom. Certains ont également en charge des périmètres supplémentaires. Parmi ceux-ci, les plus fréquemment attribués sont respectivement la marque corporate (6), le marketing (4), les affaires publiques (4), le développement durable (4 avec des libellés différents), l’engagement (4). Deux dircoms se voient confier le mécénat : Caroline Guillaumin d’Orange et Anette Rey de Bureau Veritas. Ces mosaïques sont souvent le fruit de la culture de l’entreprise ou alors de décisions budgétaires de ne pas avoir un directeur à part entière pour chacun de ces domaines de compétences pourtant de plus en plus techniques et pointus.
Enfin chez Kering, c’est carrément le mot « communication » qui n’apparaît plus dans le titre de son actuel détenteur Laurent Claquin arrivé en 2024 comme Chief Brand Officer où il « définit et coordonne la communication de Kering, à l’externe et en interne, dans toutes les régions, et soutient les Maisons dans leur communication » (2).
Ces dircoms qui ne communiquent pas … sur eux !
Enfin, il y a aussi quelques petites bizarreries décelées dans certains des profils LinkedIn de dircoms du CAC40. Celui d’Amy Hadfield, dircom du groupe Publicis depuis 2022, est étonnamment vide puisqu’elle n’a jamais publié de posts. Celui de Laurent Obadia, dircom de Veolia est encore moins prolixe et plus succinct puisque son propre parcours n’est même pas renseigné.
En règle générale, l’essentiel des dircoms du CAC40 ne draine pas des communautés très conséquentes et/ou actives. La majorité se situe entre 1 100 abonnés et 5 000 abonnés (26 profils) tandis que 7 autres oscillent autour de 6/8 000. Les 7 restants affichent a contrario de très jolis scores avec notamment Audrey Duval (Sanofi) et Julie Kitcher (Airbus) qui enregistrent respectivement 26 700 et 26 600 personnes suivant leurs comptes. Autres performers à saluer : Laurent Claquin (Kering – 22 700), Ulrike Decoene (AXA – 19 500), Caroline Guillaumin (Orange – 16 200), Blanca Juti (L’Oréal – 14 000) et Maylis Carçabal (Bouygues – 11 000 abonnés).
Puissent-elles (et il) inspirer leurs homologues encore à la traîne. Dans une toute récente tribune parue dans Influencia, Lucie Lebaz, experte en branding & personal branding et auteure de “J’ai peur, mais j’y vais”, appelle à bon escient les dircoms à sortir de l’ombre pour mieux incarner leur métier et montrer ainsi que la communication est un levier indispensable qui requiert des professionnels aguerris. J’ai moi-même rebondi sur cette réflexion salutaire avec un post LinkedIn. Il ne s’agit pas de se glorifier gratuitement ou abusivement mais clairement de prouver concrètement l’importance cruciale de cette fonction et de donner envie aux jeunes générations d’y faire leur parcours professionnel futur !
Sources
- (1) – Frédéric De Monicault – « Âge moyen, études, fonctions stratégiques… Qui sont les directeurs de la communication du CAC 40 ? » – Le Figaro – 3 septembre 2025
- (2) – Communiqué de presse Kering – 6 juin 2024
2 commentaires sur “ Blogueur caché = blogueur danger ? ”
Bravo pour cet excellent article qui pose bien les limites et les motivations du projet de loi Masson. Il en va de la responsabilité individuelle des blogueurs; comme toujours dans ce cas, quelques comportements abusifs mettent en péril la liberté du plus grand nombre. Le fameux devoir de réserve devrait s’appliquer à tous, pour éviter quelques « délits d’initiés » dont le côté spectaculaire ne dissimule pas complétement les motivations profondes: calomnie, jalousie, haine…La plupart des blogueurs, qu’ils soient masqués ou non, n’empruntent pas ces voies calamiteuses ! Combien d’auteurs écrivent sous pseudonyme depuis des siècles sans émouvoir les pouvoirs publics ? Pourquoi changer ce principe sous pretexte qu’il s’agit d’Internet ?
La comparaison avec les écrivains est en effet très pertinente. Qui songerait aujourd’hui à reprocher à Romain Gary d’avoir longtemps sévi sous le pseudo d’Emile Ajar ? Cette astuce lui a permis de clouer le bec à ses détracteurs et de glâner un second Prix Goncourt et faire la preuve par l’absurde.
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